Acquis le mois dernier par Wathnan Racing, Lazzat a permis à l’entraînement français de briser la glace durant ce meeting de Royal Ascot à l’occasion des Queen Elizabeth II Jubilee Stakes. C’est une 1ère victoire pour la France dans l’épreuve et un 1er succès à Royal Ascot pour son entraîneur, Jérôme Reynier.
Il aura fallu patienter… mais finalement, après deux courtes défaites, la France a signé sa première victoire dans les Queen Elizabeth II Jubilee Stakes (Gr1) tout comme dans cette édition 2025 du meeting de Royal Ascot 2025. Ce succès historique porte la signature de Lazzat (Territories), qui s’est imposé avec autorité et panache dans le sprint des sprinters. Le scénario n’avait pourtant rien de rassurant samedi matin, quand la cote du japonais Satono Reve (Lord Kanaloa) fondait tandis que celle de Lazzat montait jusqu’à 6/1. Mais Jérôme Reynier y a toujours cru…
Il n’aime pas dire « je », et encore moins « mon cheval ». « Parce que nous sommes une équipe, et que les chevaux ne sont pas à moi ! » Vingt-quatre heures après avoir remporté les Queen Elizabeth II Jubilee Stakes (Gr1) à Royal Ascot avec Lazzat (Territories), Jérôme Reynier (ici entre Angel Lazes, Jessy Cabot et Franck Blondel) décompresse. Avant de suivre ses partants à Toulouse, il s’accorde un peu de détente avec des proches. Quelques heures pour se ressourcer, après une semaine où il est passé par toutes les émotions...
L’entraîneur a pris l’avion tôt dimanche matin pour retrouver sa base. La victoire a été fêtée calmement. « Nous avons d’abord été conviés dans la loge de Nurlan Bizakov. Nous avons pris des photos avec la fameuse couverture, celle qui a fait peur à Lazzat lorsqu’il rentrait au rond ! Il a voulu la garder comme un souvenir. Même s’il a vendu Lazzat, il a vécu sa victoire de façon très intense. Puis nous sommes allés rencontrer l’équipe de Wathnan. C’était notre premier partant pour cette casaque et je suis ravi d’avoir pu leur offrir ce succès de Gr1 qui leur tenait tant à cœur. Enfin, après un bisou à Lazzat, nous sommes allés dîner, à cinq, de façon très tranquille. Il y avait Franck Blondel, qui monte le cheval le matin, Jessy Cabot, qui l’accompagne partout, Angel Lazes, qui fait du pré-entraînement près de Calas et qui était déjà là quand Facteur Cheval a gagné à Dubaï, ainsi qu’Alessandro Marconi, qui nous soutient beaucoup, qui a amené de nouveaux propriétaires à l’écurie, et qui, évidemment, avait déniché Facteur Cheval foal. J’aime être avec ces personnes qui envoient de bonnes ondes. Nous avons passé une très bonne soirée, à refaire les courses… Les courses, c’est avant tout le partage. Et j’aurais tellement aimé partager de tels moments avec mon père. C’est lui qui m’a transmis le virus. Je lui en suis infiniment reconnaissant. » La voix se casse. Ce père, grand passionné de courses, parti peu de temps après l’installation du fils, avait choisi le nom d’écurie Sharing (partage en anglais) pour son entité hippique. La transmission, toujours…
Garder l'esprit ouvert
Si Skalleti (Kendargent) a offert un premier Gr1 à Jérôme Reynier (et Jean-Claude Seroul) dans le Prix d’Ispahan 2021, les raids et les succès à l’international ont toujours jalonné sa carrière.
Depuis Royal Julius (Royal Applause), lauréat du Bahrein International Trophy en 2019, avant que ce meeting ne prenne l’importance que l’on connaît, à Facteur Cheval HH (Ribchester) et sa victoire dans le Dubai Turf (Gr1) en mars 2024… Un esprit curieux, qu’il a pu développer lors de ses deux années de formation au sein du Godolphin Flying Start : « Il faut toujours rester ouvert et chercher la course qui conviendra le mieux au cheval. Royal Julius était droitier et aimait les bons terrains. C’est pour cette raison que nous sommes allés à Bahreïn, au Qatar… Il est certain que ma formation doit jouer, même si j’étais sans doute trop jeune pour en tirer la quintessence, pas assez mature pour établir plus de contacts professionnels que je ne l’ai fait. J’avais 20ans mais j’en paraissais 16 ! »
Le cercle vertueux
Peu à peu, Jérôme Reynier a su gagner la confiance de propriétaires aux profils variés, et de toutes nationalités, ce qui n’est évidemment pas étranger avec son goût du voyage. « L’un des premiers à m’avoir soutenu est Jocelyn Targett. Il n’a pas pu être à Ascot samedi car il avait un mariage mais je sais ce que je lui dois. J’aimerais beaucoup avoir un super cheval avec lui, même si une pouliche comme Jacinda nous a apporté beaucoup de joie. J’ai aussi la chance de travailler depuis des années avec James et Anita Wigan, qui sont très reconnus dans notre microcosme. Je pense que c’est un cercle vertueux : la présence de propriétaires à l’écurie en incite d’autres à venir. Il est aussi important d’être présent lors des meetings internationaux, aux ventes… Calas reste assez excentré, donc il faut se déplacer autant que possible, même si j’aime plus que tout être présent à l’écurie, auprès de mes chevaux. »
Né à Marseille, Jérôme Reynier s’est naturellement installé à Calas, un site dont il connaît désormais tous les atouts et les limites. « Nous avons démontré que l’on peut entraîner des chevaux de Gr1 à Calas. Notre gazon n’est pas celui des Aigles et des Réservoirs, mais nos pistes en sable vallonnées sont d’excellente qualité, et très peu accidentogènes.Je pense que c’est notamment grâce à cet outil que l’on arrive si bien à faire vieillir les chevaux. Pour préparer une grosse échéance, il est toujours possible de faire un galop sur un hippodrome… »
La responsabilité de l'entraîneur
De façon non préméditée, Jérôme Reynier a fait le buzz en Angleterre après ses propos tenus lors d’une interview pour le Racing Post concernant la monte de Flavien Prat sur Facteur Cheval. Quelques jours après, l’entraîneur souhaite préciser : « Je n’en veux pas à Flavien : il est habitué aux hippodromes américains, corde à gauche, où l’on va à 100 à l’heure… Ascot, c’est un autre sport. Mais ce qui m’a le plus irrité, c’est que cette course ne m’apporte aucun enseignement. Comment sa- voir si Facteur Cheval tient les 2.000m avec un tel parcours ? Je veux tout de même aller au bout de mon raisonnement et le courir à Munich le 27 juillet dans le Gr1 sur 2.000m (le Bayerisches Zuchtrennen). Dans les Sussex, il devrait affronter une génération de 3 ans qui s’annonce impressionnante, et il n’a pas le droit de courir le Jacques Le Marois, ce qui n’est pas normal… J’ai donc les Irish Champion Stakes dans un coin de ma tête, mais c’est sa prestation en Allemagne qui nous dictera nos choix… » Quant à une éventuelle crainte de froisser les propriétaires de Facteur Cheval avec ses propos sur le choix du jockey, Jérôme Reynier rappelle : « En tant qu’entraîneur, je dois prendre mes responsabilités et imposer certains choix ! » Sujet clos !
Optimiser sans révolutionner
N’ayant plus la responsabilité de la cour de Jean-Claude Seroul depuis septembre dernier, Jérôme Reynier a dû repenser son organisation. Et pour optimiser le travail du matin, il a pris une décision peu commune : « Quand je supervisais la cour de monsieur Seroul, avec une quarantaine de chevaux et autant dans ma cour personnelle, les lots ne sortaient pas ensemble, ce qui
me permettait de voir huit lots avec une dizaine de cavaliers, plutôt que quatre avec une vingtaine. Après la séparation, j’ai dû embaucher et louer plus de boxes… Et je me suis retrouvé avec des lots trop fournis pour faire du cas par cas comme j’aime le faire. Si bien qu’il y a quelques mois, j’ai décidé de scinder en deux mes écuries. J’ai sept cavaliers d’un côté, treize de l’autre. Les chevaux sont plus calmes quand ils sortent en petits groupes. Et quand je dois m’absenter, le travail est plus cadré. Notre métier est fait d’une foule de détails, et l’on se remet en question tous les jours. On aurait vite fait de changer des choses qui fonctionnent… Il faut faire attention à cela. Il faut optimiser, mais pas tout révolutionner… »